Éloge de la lucidité : Une mise au point éclairante - 1
A l’occasion de la parution d’Éloge de la lucidité, le dernier ouvrage d’Ilios Kotsou, préfacé par notre ami commun Christophe André, j’ai moi-même ajouté une petite pierre à ce bel édifice sous la forme d’une postface, dont voici une version légèrement modifiées.
La lecture rafraîchissante et ô combien instructive de cet Éloge de la lucidité, permet à tous ceux qui aspirent à s’épanouir dans l’existence de comprendre, grâce aux analyses perspicaces d’Ilios, qu’il importe de ne pas se laisser fasciner par le miroir aux alouettes d’un « bonheur en boîte », par les vaines promesses d’une félicité « facile, rapide et bon marché », par le fast-food de la « méditation 3G », et par l’épuisante poursuite d’une « euphorie perpétuelle » démystifiée par ailleurs par Pascal Bruckner. Personne ne se lève le matin en souhaitant souffrir toute la journée et, si possible, le restant de ses jours, mais sachez-le, si vous courez à la poursuite d’un bonheur « clés en mains », vous lui tournez le dos et ne faites que nourrir obstinément les racines mêmes de vos souffrances.
La recherche de paradis artificiels mène le plus souvent au purgatoire du désenchantement, ou pire aux enfers de la dangereuse illusion individualiste de se croire unique, hors d’une société que l’on rejette mais, qu’à sa manière, l’on fait si bien fonctionner. Mimer le bonheur ne fait que renforcer le mal-être. « Tout homme veut être heureux ; mais, pour parvenir à l’être, il faudrait commencer par savoir ce que c’est que le bonheur, » écrivait Jean-Jacques Rousseau.
Si tous les hommes recherchent, à leur façon, à éviter le malheur et à mener une existence dont ils estiment qu’elle vaut la peine d’être vécue, il y a loin de l’aspiration à la réalisation. Les moyens mêmes de pallier la souffrance servent souvent à l’alimenter. Comment cette tragique méprise peut-elle se produire ?
La première illusion consiste à chercher le bonheur comme s’il constituait une sorte d’entité autonome semblable au gros paquet cadeau que les enfants attendent avec impatience à l’approche de Noël. Or le bonheur n’est pas une « chose », mais un processus dynamique, un fruit qui mûrit grâce à une myriade de causes et de conditions, un sentiment de plénitude et d’accomplissement qui émerge d’un ensemble de qualités dont certaines dépendent des conditions extérieures, tandis que d’autres résultent de vertus que nous avons — à des degrés divers — la faculté de cultiver : la liberté intérieure, la force d’âme, la bienveillance, ainsi qu’un ensemble de capacités, de ressources intérieures qui nous permettent de gérer les hauts et les bas de l’existence.
Il y a beaucoup de naïveté, en particulier, à s’imaginer que seules les conditions extérieures vont assurer notre bonheur. On pourrait s’attendre à ce qu’une gloire ou une richesse soudaine exauce tous nos souhaits, mais il arrive le plus souvent que la satisfaction procurée par de tels événements soit de courte durée et n’augmente en rien notre bien-être. Une étude a montré par exemple que la majorité des gagnants à la loterie ont connu une période de jubilation à la suite de leur bonne fortune, mais qu’un an plus tard ils étaient retombés à leur degré de satisfaction habituel, voire plus bas.
À suivre...
Matthieu Ricard
A l’occasion de la parution d’Éloge de la lucidité, le dernier ouvrage d’Ilios Kotsou, préfacé par notre ami commun Christophe André, j’ai moi-même ajouté une petite pierre à ce bel édifice sous la forme d’une postface, dont voici une version légèrement modifiées.
La lecture rafraîchissante et ô combien instructive de cet Éloge de la lucidité, permet à tous ceux qui aspirent à s’épanouir dans l’existence de comprendre, grâce aux analyses perspicaces d’Ilios, qu’il importe de ne pas se laisser fasciner par le miroir aux alouettes d’un « bonheur en boîte », par les vaines promesses d’une félicité « facile, rapide et bon marché », par le fast-food de la « méditation 3G », et par l’épuisante poursuite d’une « euphorie perpétuelle » démystifiée par ailleurs par Pascal Bruckner. Personne ne se lève le matin en souhaitant souffrir toute la journée et, si possible, le restant de ses jours, mais sachez-le, si vous courez à la poursuite d’un bonheur « clés en mains », vous lui tournez le dos et ne faites que nourrir obstinément les racines mêmes de vos souffrances.
La recherche de paradis artificiels mène le plus souvent au purgatoire du désenchantement, ou pire aux enfers de la dangereuse illusion individualiste de se croire unique, hors d’une société que l’on rejette mais, qu’à sa manière, l’on fait si bien fonctionner. Mimer le bonheur ne fait que renforcer le mal-être. « Tout homme veut être heureux ; mais, pour parvenir à l’être, il faudrait commencer par savoir ce que c’est que le bonheur, » écrivait Jean-Jacques Rousseau.
Si tous les hommes recherchent, à leur façon, à éviter le malheur et à mener une existence dont ils estiment qu’elle vaut la peine d’être vécue, il y a loin de l’aspiration à la réalisation. Les moyens mêmes de pallier la souffrance servent souvent à l’alimenter. Comment cette tragique méprise peut-elle se produire ?
La première illusion consiste à chercher le bonheur comme s’il constituait une sorte d’entité autonome semblable au gros paquet cadeau que les enfants attendent avec impatience à l’approche de Noël. Or le bonheur n’est pas une « chose », mais un processus dynamique, un fruit qui mûrit grâce à une myriade de causes et de conditions, un sentiment de plénitude et d’accomplissement qui émerge d’un ensemble de qualités dont certaines dépendent des conditions extérieures, tandis que d’autres résultent de vertus que nous avons — à des degrés divers — la faculté de cultiver : la liberté intérieure, la force d’âme, la bienveillance, ainsi qu’un ensemble de capacités, de ressources intérieures qui nous permettent de gérer les hauts et les bas de l’existence.
Il y a beaucoup de naïveté, en particulier, à s’imaginer que seules les conditions extérieures vont assurer notre bonheur. On pourrait s’attendre à ce qu’une gloire ou une richesse soudaine exauce tous nos souhaits, mais il arrive le plus souvent que la satisfaction procurée par de tels événements soit de courte durée et n’augmente en rien notre bien-être. Une étude a montré par exemple que la majorité des gagnants à la loterie ont connu une période de jubilation à la suite de leur bonne fortune, mais qu’un an plus tard ils étaient retombés à leur degré de satisfaction habituel, voire plus bas.
À suivre...
Matthieu Ricard
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