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samedi 8 décembre 2012

Dites nous s’il vous plait

Gaza 26/11/12

Avant-hier, j’étais dans la rue près d’un groupe d’enfants qui jouaient.
Certains au ballon, d’autres en se chamaillant, mais tous riaient de bon cœur sans aucune retenue.
J’étais loin de cette guerre qui venait tout juste de cesser.

Soudain une très forte détonation a paralysé tout le monde, l’angoisse aussitôt s’est manifestée sur tous les visages, dans toutes les attitudes. Paralysie générale de joie et de vie.
Mais ce n’était que la brutale détonation du très violent orage qui commençait.

Trop occupés par leurs jeux et leur insouciance retrouvée, ils ne l’avaient pas vu venir.

Passé ce moment de panique, presque tous les enfants tentèrent de se remettre à rire, de jouer à nouveau malgré la pluie qui commençait, mais le cœur n’y était plus, les rires étaient devenus jaunes, la gaieté s’était transformée en agressivité et en pleurs.

Les traumatismes provoqués par les bombardements et les souffrances de la semaine précédente, bien ancrés au plus profond de chacun d’eux, avaient commencé leurs effets.

Pour longtemps encore et probablement pour toute leur vie.

Nabil, un ami de longue date, père de deux petits-enfants, mais aussi plusieurs autres pères et mères rencontrés depuis, m’ont expliqué la souffrance de leurs enfants, la profondeur terrifiante de leur désarroi à chaque déflagration, l’effroi constaté dans leurs regards, dans les spasmes de leur corps.
Ils m’ont aussi expliqué leur souffrance de père et de mère, leur impuissance absolue, leur profonde frayeur de tout ce qui pouvait encore arriver, leur angoisse sans accalmie.

Nous ne sommes pas des assassins, des terroristes, des kamikazes, nous sommes des pères et des mères de familles, nous avons des enfants, comme toutes les familles dans le monde, et nous voulons vivre en paix « comme toutes les familles dans le monde ».
Nous voulons le dialogue et la cohabitation avec nos voisins, nous ne voulons qu’une vie « normale ».

C’est vrai, depuis tant d’année que je suis près d’eux, je n’ai constaté que ce besoin de paix, ils n’ont pas de sentiment de haine, de violence, de revanche. Ils veulent la paix, ils veulent la vie à en mourir, ils sont assoiffés de joie, de justice et d’harmonie.

Pour exprimer la vérité de leur pensée, ils n’utilisent que des superlatifs car ils savent qu’en face, et ailleurs dans le monde on ne les croit pas, et pourtant ils veulent être entendus. C’est pourquoi ils hurlent d’impuissance cette vérité : que seule la paix compte pour eux aujourd’hui.

Ils disent qu’ils veulent vivre. Ce mot vivre ils ne le connaissent plus, parce que pour eux, de ne pas avoir suffisamment à manger n’empêche pas de vivre, de ne pas avoir suffisamment de vêtements n’empêche pas de vivre, de ne pas avoir de musique, de jouets, de livres n’empêche pas de vivre, et même de ne pas avoir de toit, n’empêche pas de vivre. En revanche, d’entendre jour et nuit des bombes tomber aux alentours, de voir bruler la maison de ses voisins, d’entendre les hurlements de ceux qui n’ont pas pu s’enfuir, d’imaginer ses enfants déchiquetés par un missile, oui, tout cela reste profondément gravé dans leur mémoire, dans leurs yeux, dans leurs oreilles… ils ne peuvent oublier, et tout cela les empêche de vivre malgré le cessez-le-feu car ils savent que cette trêve n’est que provisoire, quelques jours, quelques semaines, quelques mois peut-être. Ils veulent y croire, ils font semblant d’y croire tellement ils veulent y croire, mais au plus profond d’eux ils n’y croient pas, car ils savent que tout recommencera, et en pire, si le monde ne bouge pas.

Ce qu’ils subissent ce n’est pas la vie. Et la question qu’ils ont tous en tête c’est pourquoi ? Qu’avons-nous fait pour mériter l’humiliation permanente, l’indignité de ne pas pouvoir protéger notre famille, de ne pas pouvoir la nourrir la soigner, la distraire, lui donner la vie et l’éducation que nous souhaitions pour elle.

Il est terrible pour un père de ne plus pouvoir supporter le regard de son enfant qui ne comprend pas pourquoi il ne fait rien pour le protéger… De ne plus pouvoir supporter son regard au point d’en détourner la tête.
De son enfant qui ne lui fait plus confiance, de son enfant qui ne le respectera peut-être plus jamais.
C’est aussi cela ne plus vivre et peut-être même ne plus vouloir vivre.

Dites moi, qu’avons nous fait ? Pourquoi sommes-nous abandonnés ? Pourquoi le monde entier ne prend en compte que ces si petites minorités d’extrémistes palestiniens et israéliens qui veulent la guerre, manipulés par le pouvoir, l’argent et qui font leur loi ?
Pourquoi le monde laisse t’il un peuple tout entier souffrir et mourir.
Le monde a-t-il peur lui aussi ?
Dites moi, dites nous, s’il vous plait!


a.m

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