Gaza 26/11/12
Avant-hier, j’étais dans la rue près d’un groupe d’enfants qui jouaient.
Avant-hier, j’étais dans la rue près d’un groupe d’enfants qui jouaient.
Certains au ballon, d’autres en se
chamaillant, mais tous riaient de bon cœur sans aucune retenue.
J’étais loin de cette guerre qui
venait tout juste de cesser.
Soudain une très forte détonation a
paralysé tout le monde, l’angoisse aussitôt s’est manifestée
sur tous les visages, dans toutes les attitudes. Paralysie générale
de joie et de vie.
Mais ce n’était que la brutale
détonation du très violent orage qui commençait.
Trop occupés par leurs jeux et leur
insouciance retrouvée, ils ne l’avaient pas vu venir.
Passé ce moment de panique, presque
tous les enfants tentèrent de se remettre à rire, de jouer à
nouveau malgré la pluie qui commençait, mais le cœur n’y était
plus, les rires étaient devenus jaunes, la gaieté s’était
transformée en agressivité et en pleurs.
Les traumatismes provoqués par les
bombardements et les souffrances de la semaine précédente, bien
ancrés au plus profond de chacun d’eux, avaient commencé leurs
effets.
Pour longtemps encore et probablement
pour toute leur vie.
Nabil, un ami de longue date, père de
deux petits-enfants, mais aussi plusieurs autres pères et mères
rencontrés depuis, m’ont expliqué la souffrance de leurs enfants,
la profondeur terrifiante de leur désarroi à chaque déflagration,
l’effroi constaté dans leurs regards, dans les spasmes de leur
corps.
Ils m’ont aussi expliqué leur
souffrance de père et de mère, leur impuissance absolue, leur
profonde frayeur de tout ce qui pouvait encore arriver, leur angoisse
sans accalmie.
Nous ne sommes pas des assassins, des
terroristes, des kamikazes, nous sommes des pères et des mères de
familles, nous avons des enfants, comme toutes les familles dans le
monde, et nous voulons vivre en paix « comme toutes les
familles dans le monde ».
Nous voulons le dialogue et la
cohabitation avec nos voisins, nous ne voulons qu’une vie
« normale ».
C’est vrai, depuis tant d’année
que je suis près d’eux, je n’ai constaté que ce besoin de paix,
ils n’ont pas de sentiment de haine, de violence, de revanche. Ils
veulent la paix, ils veulent la vie à en mourir, ils sont assoiffés
de joie, de justice et d’harmonie.
Pour exprimer la vérité de leur
pensée, ils n’utilisent que des superlatifs car ils savent qu’en
face, et ailleurs dans le monde on ne les croit pas, et pourtant ils
veulent être entendus. C’est pourquoi ils hurlent d’impuissance
cette vérité : que seule la paix compte pour eux aujourd’hui.
Ils disent qu’ils veulent vivre. Ce
mot vivre ils ne le connaissent plus, parce que pour eux, de ne pas
avoir suffisamment à manger n’empêche pas de vivre, de ne pas
avoir suffisamment de vêtements n’empêche pas de vivre, de ne pas
avoir de musique, de jouets, de livres n’empêche pas de vivre, et
même de ne pas avoir de toit, n’empêche pas de vivre. En
revanche, d’entendre jour et nuit des bombes tomber aux alentours,
de voir bruler la maison de ses voisins, d’entendre les hurlements
de ceux qui n’ont pas pu s’enfuir, d’imaginer ses enfants
déchiquetés par un missile, oui, tout cela reste profondément
gravé dans leur mémoire, dans leurs yeux, dans leurs oreilles…
ils ne peuvent oublier, et tout cela les empêche de vivre malgré le
cessez-le-feu car ils savent que cette trêve n’est que provisoire,
quelques jours, quelques semaines, quelques mois peut-être. Ils
veulent y croire, ils font semblant d’y croire tellement ils
veulent y croire, mais au plus profond d’eux ils n’y croient pas,
car ils savent que tout recommencera, et en pire, si le monde ne
bouge pas.
Ce qu’ils subissent ce n’est pas la
vie. Et la question qu’ils ont tous en tête c’est pourquoi ?
Qu’avons-nous fait pour mériter l’humiliation permanente,
l’indignité de ne pas pouvoir protéger notre famille, de ne pas
pouvoir la nourrir la soigner, la distraire, lui donner la vie et
l’éducation que nous souhaitions pour elle.
Il est terrible pour un père de ne
plus pouvoir supporter le regard de son enfant qui ne comprend pas
pourquoi il ne fait rien pour le protéger… De ne plus pouvoir
supporter son regard au point d’en détourner la tête.
De son enfant qui ne lui fait plus
confiance, de son enfant qui ne le respectera peut-être plus jamais.
C’est aussi cela ne plus vivre et
peut-être même ne plus vouloir vivre.
Dites moi, qu’avons nous fait ?
Pourquoi sommes-nous abandonnés ? Pourquoi le monde entier ne
prend en compte que ces si petites minorités d’extrémistes
palestiniens et israéliens qui veulent la guerre, manipulés par le
pouvoir, l’argent et qui font leur loi ?
Pourquoi le monde laisse t’il un
peuple tout entier souffrir et mourir.
Le monde a-t-il peur lui aussi ?
Dites moi, dites nous, s’il vous
plait!
a.m
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